S’implanter ou développer un courant d’affaires aux Emirats Arabes Unis (EAU)
Les circonstances de la pandémie du Covid 19 ont provoqué une accélération de réformes pour attirer les investisseurs étrangers aux EAU.
En dépit du prix d’un baril de pétrole fortement reparti à la hausse fin 2021 et début 2022 les EAU ont poursuivi la restructuration importante de leurs finances publiques qu’ils avaient entrepris depuis les années 2008 en continuant à découpler l’économie locale des effets de variations des prix de l’énergie.
Le développement d’une fiscalité, la diminution des subventions, l’audit des comptes publics, le contrôle de la dépense, l’obligation de rentabilité de nombreux services et les réorganisations d’entreprises devraient apporter une plus grande stabilité à l’économie du pays.
2022 est attendue comme l’année de la reprise post pandémie mais à Dubai il y aura peut-être un effet post Expo 2020.
L’annonce de la signature de grands contrats avec la France, comme celui du Rafale, lors de la venue d’Emmanuel Macron en décembre 2021 porte les espérances de nos compatriotes pour le développement de leurs affaires aux Emirats Arabes Unis.
Les Emirats Arabes Unis offrent toujours aux entreprises françaises, notamment des secteurs de la construction, des industries technologiques et des services, de nouveaux marchés à forts potentiels.
Ce pays n'a jamais été un eldorado et contrairement aux idées reçues l’argent n’y est pas facile. Pour réussir aux Emirats il faut investir sur le long terme. S’y implanter de manière durable et productive suppose donc de s’affranchir de toute précipitation ou appréhension. On trouve aux Emirats des outils juridiques identiques à ceux qui existent en Europe mais intégrant des spécificités locales. De surcroît, ces outils sont en évolution permanente par volonté de faciliter les affaires et pour répondre aux normes les plus récentes des organisations internationales du commerce.
S’implanter dans un pays de tradition islamique ne doit pas souffrir d’appréhension surtout que le droit séculaire s’y développe fortement pour attirer les investisseurs étrangers. La Sharia, qui domine en théorie l’ensemble de l’édifice juridique, énonce des principes généraux d’éthique et de moralité applicables aux affaires qui sont équitables et dont nombre sont proches des principes généraux du droit connus en Europe. Parmi les différences, on relève traditionnellement la prohibition des conventions portant intérêts ou aléas. En pratique, ces interdictions sont tempérées dans la mesure de ce qui s’avère nécessaire pour la société en l’absence d’autres mécanismes juridiques. On trouve donc sur le marché tant des financements que des produits d’assurance conventionnels et un droit séculier proche du droit français s’applique aux affaires
Implantations Contractuelles et Structurelles
Pour s’établir aux Emirats Arabes Unis et y développer un courant d’affaires on peut s’orienter soit vers une implantation contractuelle (accord d’agence, de représentation ou de distribution, joint-venture), soit vers une implantation structurelle (immatriculation d’une succursale, création d’une filiale ou d’un groupe de sociétés).
Auparavant il y avait obligation de trouver un partenaire local dit “sponsor” qui était, selon l’orientation choisie, soit le représentant local soit l’associé majoritaire. Ce privilège de nationalité ne s’appliquait pas dans les zones franches mais en théorie les affaires développées dans ces dernières ne pouvaient déborder sur le reste du territoire national. Les choses changent, notamment avec l’avènement de la réforme du « 100% » qui permet maintenant dans nombre d’activités d’échapper au sponsorship.
Obtenir Une License
Pour avoir une vue complète du système, il convient de décrire le cadre administratif du développement des affaires. Il existe une classification des activités et toutes sont soumises à l’obtention préalable d’une licence voire d’autorisations de la Municipalité du lieu d’implantation, du Ministère et/ou des autorités compétentes pour le domaine d’activité envisagé et de la chambre de commerce et d’industrie locale.
La validité de certains contrats de représentation dépend de leur enregistrement et authentification.
L’immatriculation d’une société est subordonnée à l’obtention préalable de la licence pour l’obtention de laquelle seront exigées, suivant le type d’activité, un capital social minimum, des garanties financières, des compétences techniques ou une expérience significative. L’établissement de pouvoirs notariés, de traductions de documents authentifiés et légalisés, ainsi que le paiement de droits, seront requis.
Enfin, il faut savoir que s’implanter dans un émirat n’autorise pas nécessairement à entreprendre des affaires dans un autre. Il faut donc bien choisir le ou les émirats d’implantation et organiser sa structure pour faciliter les éventuels développements ultérieurs.
Au-delà de l’obtention d’une licence, lorsque l’on veut travailler pour certaines entreprises d’Etat il faut se faire ensuite agréer dans leur registre de fournisseurs. Suivant les cas cet agrément peut prendre plusieurs mois et faire l’objet d’audits.
La suppression du sponsorship a parfois entrainer d’autres contraintes, telle l’apparition des notion de ICV « In Country Value » ou CLC « certifiacte of Local Content qui obligent notamment à Abu Dhabi d’avoir un score audité de « contenu local » pour pouvoir répondre aux appels d’offres. Ce contenu local port entre autre sur l’émiratisation.
L’implantation dans l’une des nombreuses zones franches du pays est très rapide et sans contrainte. Elle permet d’entreprendre, sans recours à un partenaire national, des activités de commerce, logistique, distribution, transformation et services vers l’extérieur du pays. Les restrictions fiscales, douanières et de contrôle des changes y sont inexistantes.
Choisir Une Méthode d’Implantation
Les échecs d’implantation aux Emirats Arabes Unis sont principalement dus à des choix précipités, des appréhensions mal fondées ou l'absence de recours à des conseils. La précipitation peut amener à retenir la solution d’implantation que l’on imagine la plus rapide, mais située au mauvais endroit et avec le mauvais partenaire ou avec une structure inadaptée.
L’appréhension peu amener à retenir la solution par laquelle on croit s’engager a minima « juste pour tester le marché » et qui se révèle un frein pour une véritable implantation ultérieure. Sur un marché nécessairement porteur les risques économiques sont faibles mais il faut choisir dès le départ la méthode d’implantation qui permettra de gérer sa croissance et son développement sans entrave ni surcout. Enfin, un grand nombre d'échecs proviennent du choix de procéder aux formalités sans prendre de conseils juridiques. Il en est ainsi pour faire des économies ou simplement par croyance des conseils du partenaire local qui indique que cela n'est pas nécessaire. L'intervention tardive du juriste coûte toujours beaucoup plus cher que son intervention préventive.
Bien s’établir aux Emirats Arabes Unis, c’est d’abord circonscrire l’objet de son implantation (spécifique/général), puis la zone géographique concernée (un émirat, plusieurs, tous, les Etats du GCC) et enfin, choisir un partenaire local et définir les modalités des relations que l’on souhaite établir avec lui en ayant recours à un conseil juridique local.
La voie contractuelle (représentation)
Les contrats d’agence, de représentation ou de distribution sont régis par la même loi de 1981 relative aux Agences Commerciales. Pour être valide le contrat doit être enregistré et soumis aux dispositions d’ordre public du droit local. Les modalités du contrat doivent faire l’objet d’une très grande attention, notamment au regard de son champ d’application et de la fixation de la rémunération. Il convient ici de mentionner que depuis Mai 2010 la possibilité de mettre un terme au contrat ou de ne pas renouveler est tempérée par l'obligation légale d'avoir à démontrer une faute de l'agent.
La pratique de l'utilisation de contrats de distribution non enregistrés est à mettre en œuvre avec précaution en les limitant à des situations d’importation à titre principal par le distributeur. Il faut noter par ailleurs qu'il n'existe pas de loi locale spécifique régissant spécifiquement la franchise.
La voie structurelle (présence)
Les formes de sociétés commerciales disponibles sont au nombre de sept. Il est notamment possible de créer des sociétés en nom collectif, des sociétés à responsabilité limitée ou des formes de sociétés anonymes. Les formes les plus usitées sont la “Limited Liability Company” (LLC), qui ressemble à une société à responsabilité limitée, ou la Private Joint Stock Company (Pjsc), qui ressemble à une société anonyme.
Il existe également des possibilités d’ouvrir son capital au public et d’être coté sur des marchés financiers locaux.
Dans bien des domaines il est devenu possible de détenir 100% du capital social mais là l’obligation d’avoir 51% d’actionnariat national demeure il existe toujours des aménagements contractuels plus ou moins complexes (side agreements ou Schemes of Arrangement) par voies de contre-lettres, prêts, promesses, locations de matériels et contrats de gestion qui permettent une sécurité des affaires de l’investisseur et un retour sur profit différent de la répartition du capital social.
Les Zones Franches
Tous les Emirats proposent des installations en zone franche. Il y en a une trentaine au total aux émiratsLes plus populaires sont : A Abu Dhabi : KIZAD, MASDAR, 24/54, et ADAFZ (ZonesCorp à Mussafah n’est pas une zone franche) ; à Dubai : JAFZA, JLT-DMCC, TECOM et DSOA ; à Ras Al Khaima: RAKFTZ et RAKIA ; à Sharjah, Al Hamrya et SAIF.
Les zones franches sont populaires car l’on peut s’y établir sans sponsor et moyennant des formalités plus simples qu’au sein même des émirats.
La limite à ces implantations est l’interdiction d’exercer leurs activités en dehors de la zone sauf à recourir à un sponsor comme une société étrangère. Il faut bien réfléchir à ce que l’on veut faire avant de s’implanter en zone franche.
Le Choix du Sponsor
Les affaires dont le développement nécessite peu d’assistance amèneront à choisir un sponsor “dormant”. Son implication et ses rémunérations sociales ou contractuelles seront définies en conséquence. Le choix d’un partenaire impliqué se fera en fonction de son influence et de son réseau, non seulement dans l’émirat d’implantation mais aussi, éventuellement, dans les autres émirats.
Dans tous les cas, il est vivement recommandé de prendre attache auprès d’un Conseil Juridique avant d’entreprendre toute démarche et notamment de signer tout contrat ou promesse.
Les Couts
S'implanter aux Emirats Arabes Unis est relativement couteux. C’est un marché très difficile à aborder pour les sociétés en difficulté et recherchant des financements.
Il faut anticiper le cout des formalités (immatriculation, licence, adhésions, et taxes diverses), des frais de sponsor et de bail commercial, les frais juridiques (légalisation, traducteur, notaire, avocat etc.), le capital social ou la garantie bancaire, le cout des premiers employés et les besoins de trésorerie dans un pays où l’on paye souvent avec retard.
Le choix de faire des économies sur la sécurisation juridique des montages se révèle en général désastreuse pour l’investisseur dès que l’affaire commence à prospérer ou lorsque l’on veut liquider l’affaire.
Investisseurs Locaux
Les agents commerciaux enregistrés, les "sponsors" de succursales ou les associés 51% de filiales sont rarement des investisseurs et ils ne souhaitent en général pas financer l’implantation. Souvent Ils ne participent qu'aux profits et/ou demandent une rémunération fixe annuelle.
Les fonds d'investissements ou les grandes familles n'investiront localement qu'à la condition que l'exploitation de la technologie ou de l'industrie proposée ait déjà été un succès dans son pays d'origine (les investissements sur inventions ou idées neuves sont rares). Les investisseurs demanderont également le contrôle de la joint-venture et le bénéfice d'un transfert de technologie.
Des fonds venant des offsets des secteurs de la défense ou du pétrole sont parfois disponibles pour financer des projets mais ces derniers doivent répondre à certains critères pour libérer les débiteurs des offsets.
Les Conseils Juridiques
Lors d'une implantation locale, quelle qu'elle soit, il existe de nombreux pièges à éviter et le recours à un Conseil Juridique s’impose.
Il est impératif de recourir à un conseil indépendant tant de votre sponsor que de l'éventuel intermédiaire qui vous l'a présenté.
D’une manière générale il faut se méfier de tout intermédiaire inutile, surtout lorsqu’il propose un montage ou il impose sa présence comme une garantie alors que dans bien des cas il s’agit pour l’intermédiaire de s’assurer des revenus ou rétro-commission du sponsor sur le long terme.